Baden-Powell, fondateur des scouts
Baden-Powell
naquit le 22 février 1857 au 6 Stanhope Street (actuellement 11,
Stanhope Terrace), dans le quartier de Paddington à Londres, au
Royaume-Uni. Il est le plus jeune d'une famille de sept enfants (3
frères et 3 soeurs). Robert Stephenson était le nom de son parrain,
fils de George Stephenson, pionnier du rail. Son père, le révérend H.
G. Baden-Powell, est pasteur protestant et professeur à l'université
d'Oxford. Il meurt alors que Robert n'a que trois ans. C'est sa mère,
Henrietta Grace Smyth, naturaliste de profession, qui se charge de
l'éducation de ses enfants. Elle les encourage à passer beaucoup de
temps dehors.
C'est ainsi que BP s'intéressa, dès son jeune âge,
à la nature et à ses secrets. BP est aussi très près de son grand-père
maternel, l'amiral Smyth, qui lui raconte des histoires de marins et
autres aventures. Comme tous les enfants de son âge, « Stephe » ou
« Ste » comme on l'appelle, négocie le moment d'aller se coucher; et il
se cache derrière les portes pour écouter « les grandes personnes ». Il
aime se déguiser et inventer des pièces dont il tient le premier rôle.
Il dessine et écrit adroitement de ses deux mains, joue du piano et se
lance tôt dans l'utilisation de l'aquarelle.
En 1870, il entra
comme boursier à l'école de Charterhouse; ceci se passa deux ans avant
que l'école aille s'établir hors de Londres. Ainsi le jeune garçon
connut la vie fiévreuse de la Cité, puis ensuite, le calme et les
aventures de la campagne, à Goldaming. Il fait partie de la chorale,
joue du clairon dans une fanfare et du cor dans des orchestres. Il
n'est cependant pas très bon en sport. Par contre il est aimé de ses
camarades à cause de sa bonne humeur et de ses dons pour imiter les
professeurs.
B-P ne montrait cependant pas autant d'intérêt pour
les études. Ses carnets scolaires en témoignent. On note dans l'un
d'eux « qu'il a résolument renoncé à comprendre quelque chose en
mathématiques » et dans un autre, « qu'en français il pourrait être
doué s'il n'était pas si paresseux et ne dormait pas aussi souvent en
classe ». Il préfère les fugues dans la campagne où il peut explorer le
bois, apprendre à faire des feux sans fumée et ramper sans être vu.
Il
passe la plupart de ses vacances en mer avec ses frères aînés,
découvrant les côtes de l'Angleterre. Comme il est le plus jeune du
quatuor, on lui confie donc des tâches de garçon de cabine, de
cuisinier et de laveur de vaisselle. Chaque aventure est l'occasion de
se trouver en face du danger et de s'y habituer, car ses frères étaient
pour le moins peu attirés par les mers calmes! À plusieurs reprises,
ils frôlèrent la catastrophe, mais ce fut à chaque fois une salutaire
leçon :
« Elle (la mer) nous enseigna, en
effet, à nous soumettre à une discipline stricte à faire preuve
d'adresse, à conserver notre sang-froid au milieu du danger et à
acquérir l'esprit d'équipe, chacun faisant de son mieux pour assurer la
sécurité des autres ».
Un jour, ils remontèrent la Tamise en canoë jusqu'à sa source.
B-P
tente sa chance à l'examen d'entrée à Oxford. Il échoue lamentablement
dans une première école, puis dans une seconde où on lui conseilla
d'abandonner tout espoir universitaire. Son échec provoque une profonde
consternation chez les Baden-Powell où tous les enfants accédaient aux
études supérieures et les achevaient.
Au milieu de la défaite et
du pessimisme, c'est lui-même qui trouve, par hasard, la solution en
découvrant dans un journal une annonce concernant un examen d'entrée
dans une école d'officiers. Quatre-vingt-dix places étaient ouvertes
dans l'infanterie et trente dans la cavalerie. Il décide de tenter sa
chance et il réussit avec succès. Il est brillamment reçu : 50e sur 718 pour l'infanterie et 2e pour
la cavalerie. Sa place dans les six premiers le dispense de deux ans
d'école préparatoire. Il est promu sous-lieutenant trois mois plus tard
et rejoint les rangs du 13e Hussards comme spécialiste dans
la reconnaissance, le relevé topographique et le rapport. Son succès
fut tel qu'il devint bientôt instructeur.
Après avoir quitté le
collège, B-P partit avec son régiment pour les Indes; c'est là-bas
qu'il entama sa carrière d'éclaireur militaire; il la poursuivit en
Afghanistan. Il eut la chance d'avoir pour supérieur le colonel Sir
Baker Russel, officier très simple qui attachait plus d'importance à
l'initiative chez un soldat qu'à la connaissance du drill.
Ceci convenait très bien à notre
jeune aspirant qui aurait souffert sous les ordres d'un chef trop
rigide; sa carrière militaire va durer trente ans... Il organise des
fêtes et des concerts pour son régiment et ne perd pas une occasion de
faire une expédition.
C'est dans ces conditions-là qu'il apprend
personnellement ce qu'il appellera le « métier d'éclaireur » et l'art
de conduire les hommes. La chasse lui enseigne l'habileté, la ruse,
l'audace et l'observation. Il devient ainsi expert à la chasse au
sanglier. D'ailleurs, il considère le sanglier comme le roi de la
jungle :
« Lorsqu'il vient boire au trou d'eau, tous les
autres, y compris le tigre, le buffle et l'éléphant, quittent
furtivement la place, cherchant à se persuader qu'après tout, ils n'ont
pas grand soif ou qu'ils préfèrent boire ailleurs... » « Il est
courageux et rapide, rude et bon sauteur, est un adepte du
franchissement. » « Il est convaincu que les cultures indigènes,
melons, cannes à sucre et céréales sont destinées à sa consommation
personnelle, et donc, il y puise largement... »
Âgé
de vingt-six ans, il est promu capitaine. Il expérimente des méthodes
nouvelles. "Drill" au minimum, responsabilités au maximum; il groupe
ses hommes en patrouilles, il leur apprend à suivre une piste, à se
tenir cachés, à faire des croquis... Il veut que tout éclaireur sois
prêt; il leur donne donc une devise en caricaturant ses initiales (Be
Prepared - Sois Prêt). Quand l'ennemi n'est pas là, il organise
l'entraînement sous forme de jeu et le soir, il rassemble ses hommes
pour un bivouac ou une veillée. Les soldats les plus méritants
obtenaient des récompenses spéciales, notamment un badge qui
ressemblait au symbole traditionnel du point nord sur la boussole.
Comme
son revenu était faible, B-P utilisait aussi sa plume comme écrivain ou
comme artiste. Ses meilleurs dessins sont peut-être ses dessins
d'animaux, car il ne cessa jamais d'aimer à les étudier et il se donna
encore à cette tâche importante à la fin de sa vie au Kenya. De temps
en temps, il éprouvait le besoin de s'éloigner un peu de la
civilisation et, avec un ou deux indigènes, il partait dans la nature
vers quelques coins peu fréquentés où il pouvait dessiner et observer
dans la solitude. C'est ainsi qu'il posa les fondements de son
extraordinaire connaissance de la nature, mais aussi des habitudes et
des moeurs des indigènes.
En 1884, B-P parcourt les Monts
Drakensberg et va chasser dans l'Hinterland de Lourenço Marques. Puis
il fut désigné pour une mission secrète de haute importance dans le
Natal, à la limite de la frontière avec les Boers. Son but était
d'obtenir des renseignements précis sur les passages possibles à
travers la chaîne des Drakensberg, frontière entre les deux pays.
Pendant un mois, il parcourut mille kilomètres à cheval, rectifia la
carte militaire qui lui servait de base dans sa recherche des points
stratégiques.
Son déguisement était tellement bon qu'en saluant
son Major en passant dans une ville, celui-ci le prit pour un vagabond
en quête d'aumônes et grogna furieusement :« Passez votre chemin. »
Cette
expédition lui permit aussi de faire la découverte des habitants boers
et anglais, d'apprendre ce qu'ils pensaient les uns des autres et de
l'avenir de leur pays. De retour, il fit trois ans de service en Europe
comme « espion ». B-P considérait que l'espion n'était pas forcément
« l'individu bas et méprisable que le nom implique; il est
invariablement à la fois courageux, débrouillard et intelligent ». Aux
Damanelles, il découvrit que les soi-disant nouveaux canons d'une
puissance formidable installés par les Turcs pour garder le détroit
n'étaient en fait que les mêmes anciennes pièces recouvertes d'une
bâche. Dans un chantier naval, il réussit à recueillir le maximum de
renseignements, tout en semant les deux gardiens qui l'avaient repéré.
En Russie, il échappa de peu à cinq ans de prison sans procès en
passant une semaine à observer des manoeuvres de nuit comportant
d'intéressantes expériences avec des projecteurs.
En 1887,
Baden-Powell est aide de camp à l'État-Major de son oncle, Sir Henry
Smyth au Cap (Afrique du Sud). La première année fut paisible, par
contre la révolte des Zoulous donna lieu à de très pénibles combats;
B-P y fut promu major. Les trois années suivantes, il les consacra à un
poste de secrétaire militaire et d'officier du service des
renseignements à Malte, travail qu'il jugea des plus intéressants.
En
1890, Baden-Powell est envoyé en mission en Yougoslavie pour relever le
plan des fortifications de la capitale. Il se déguise en chasseur de
papillons, avec sa boîte, son filet et tout ce qu'il fallait pour
dessiner et se mit à se promener aux alentours des fortifications,
observant et faisant des croquis sur son carnet. Il avait tout prévu.
Les soldats admiraient les dessins de papillons reproduits sur le
carnet que leur montrait B-P, mais ils n'ont bien sûr pas deviné que
ces jolies lignes sur les ailes du papillon représentaient le tracé des
fortifications et que ces gros points sur les ailes montraient le
nombre et la position des canons!
Canons de gros calibre | |||
Canon de campagne | |||
Mitrailleuse |
De retour en Afrique du Sud, il participe à la mission de pacification de civilisation des Ashanti (1895). Lors de la révolte des Matabélés (guerriers zoulous devenus pillards), il fit preuve d'un extraordinaire mélange de courage et de prudence, de telle sorte que les Matabélés l'appelèrent IMPEESA (le loup qui ne dort jamais), et qu'il fut nommé colonel breveté (1897). Son ascension dans la hiérarchie militaire étant tellement rapide qu'il ne pouvait que continuer d'être envoyé aux quatre coins du monde afin de diriger telle ou telle mission.
Il fit donc un nouveau séjour aux Indes comme commandant du 5e dragon.
Il fut plus spécialement confronté à l'art de conduire des hommes.
Ayant la responsabilité d'un corps de cavalerie, il s'attacha à
préparer d'abord les capacités de l'homme au lieu de s'en tenir à la
classique préparation du cheval et du matériel :
« Un homme ne
peut être bon cavalier que s'il aime sa monture. Il ne peut être bon
soldat que s'il aime le service. De même, un officier ne peut être bon
chef que s'il aime ses hommes! »
Le chef n'est pas le premier
imbécile qui donne des ordres, mais celui qui est passé maître dans
l'art de les mener. B-P applique donc à son corps de soldats deux
principes à valeur éducative :
La RESPONSABILITÉ :
Il divise le régiment en petites escouades, ce qui permettait aux jeunes officiers subalternes de prendre leur part de responsabilités.La DISCIPLINE INTÉRIEURE :
Elle est développée au moyen de contacts individuels, personnels et amicaux avec chacun de ses hommes.Par
exemple, B-P a stoppé l'entérite dans son régiment en y créant une
fabrique de sodas, une boulangerie et une laiterie; tout ceci étant
bien entendu tenu par des soldats compétents. Ainsi ses hommes ne
risquaient plus de contracter les germes des maladies en se rendant
dans les bazars indigènes.
On a souvent entendu dire qu'on
devrait avoir honte de se faire une gloire de préparer les hommes à
être des meurtriers. Baden-Powell l'a aussi entendu. Bien que les
moyens, le champ et l'esprit de la guerre aient nettement changé
depuis, la réponse de B-P peut être aussi exacte de nos jours.
C'est comme cela que Baden-Powell pourra « transformer ce qui était un art d'apprendre aux hommes à faire la guerre en un art d'apprendre aux garçons à faire la paix. »
En Juin 1899, B-P est chargé de
lever discrètement deux bataillons et d'organiser les forces de police
sur la frontière Nord-Ouest de la colonie du Cap (Afrique du Sud) afin
de les préparer à une éventuelle agression des Boers. Mafeking était
une petite ville dont l'importance dépassait celle de sa population et
de son étendue : c'était un centre commercial bien situé et il était
essentiel de le conserver afin de sauvegarder le prestige Britannique
aux yeux des indigènes. C'est là que B-P y installa les stocks qu'il
recevait du Cap et son régiment tout entier.
Les Boers étaient
des colons Hollandais qui, quelques années plus tôt, avaient émigré
massivement (10 000 d'entre eux environ) de la colonie britannique du
Cap vers l'intérieur du pays et même formé deux états indépendants :
L'Orange et le Transvaal. Pour défendre la frontière, B-P avait
disposé, outre son régiment à Mafeking, un à 25 km au Nord dans la
province du Bechuanaland et un autre - recruté en Rhodésie - à Tuli,
sur la principale route du Transvaal menant en Rhodésie.
Le 11
octobre 1899, la guerre éclate. Le 12 octobre, la ville est assiégée et
ce, jusqu'au 17 mai 1900. Il n'y avait aucune défense naturelle;
c'était le plein veldt (plateau steppique). Mafeking comprenait la
ville des colons aux toits de fer blanc disséminée en pleins champs où
vivaient un millier d'hommes nouvellement armés et organisés, 600
femmes et enfants, et, la ville indigène constituée de huttes
circulaires en pisé rouge aux toits de chaume, abritant 7 000
personnes. Un système de tranchées avec de petits forts fut rapidement
construit autour de la ville, juste à temps pour affronter les 10 000
hommes du général Cronje. Devant le peu de défenses de la place, ce
dernier jugea que la ville se rendrait très vite et ne risqua pas la
vie de ses hommes; il attendit la reddition... qui ne vint jamais.
L'enthousiasme des jeunes à s'impliquer dans le siège de Mafeking
À
l'intérieur de la ville, B-P rendit la vie amusante, du moins pleine
d'humour. Pour prévenir les attaques nocturnes, il fit installer à
chaque fort des projecteurs, et, de temps en temps, passait un faisceau
lumineux sur la région. Mais il y avait en fait qu'un seul projecteur
qui était transporté rapidement de place en place. La nuit, B-P se
munissait d'un mégaphone et, s'approchant au plus près des lignes
ennemies, causait bien de l'émoi aux sentinelles, grâce à ses dons de
ventriloque imitant la voix d'un officier : il donnait l'ordre de se
déplacer en silence, puis prenant le rôle du sergent, il disait, par
exemple, « baïonnette au canon! », ce qui ne manquait pas de provoquer
un feu nourri de la part des Boers qui passaient des nuits agitées
alors que les Britanniques prenaient tout le repos dont ils avaient
besoin.
Au départ, les réserves étaient assez importantes, mais
peu à peu, il fallut se rationner. B-P avec son État-Major se
contentait de rations inférieures à celles des soldats pour juger par
eux-mêmes de ce qu'il était possible de donner au minimum. Les chevaux
puis les ânes servirent au ravitaillement. Rien n'était perdu :
crinières et queues remplissaient les oreillers et les matelas de
l'hôpital; les fers étaient fondus pour en faire des obus; la chair
transformée en saucisses, la peau, les sabots, et la tête en pâté ou en
soupe comme les os, qui, broyés, étaient ajoutés à la farine. L'avoine
des chevaux et même la poudre de riz furent consommés. B-P dessina des
billets de 10 shillings pour payer ses hommes tous les mois; ils
étaient remboursables après le siège, mais les gens les conservèrent en
souvenir. Il fallut de même imprimer des timbres-poste et, pour faire
une surprise à B-P, son État-Major y fit figurer son portrait. B-P
ravi, mais gêné, fit remplacer son effigie par celle d'un garçon à
bicyclette.
On ne parlait pas encore de scouts, mais seulement de cadets, le terme scout
étant réservé aux éclaireurs militaires. Mais c'est bien à Mafeking que
B-P découvrit le scoutisme. Il avait remarqué qu'il était possible de
faire confiance à de jeunes garçons à qui l'on donne des missions
précises. Lord Cecil, chef d'État-Major, s'était en effet chargé de
constituer un corps de cadets. Il leur donna un chef en la personne du
jeune Warner Goodyear et leur permit de revêtir l'uniforme militaire.
Équipés de bicyclettes, ils portaient le courrier à l'intérieur de la
ville et jusque dans les forts, ou bien, profitant du peu d'attention
que l'on portait à ces enfants, ils traversaient en civil les lignes
ennemies et revenaient avec de nombreux renseignements sur leur
position.
Le 12 mai, alors que les Boers tentaient une attaque
de la ville, qui fut d'ailleurs repoussée, on apprit qu'une colonne de
secours était en marche et, le 16 mai, l'avant-garde rentrait dans la
ville : le propre frère de B-P en faisant partie. Le 17 mai, la
garnison de Mafeking était relevée : la mission de B-P était réalisée;
il avait retenu pendant 217 jours d'importantes forces Boers,
permettant ainsi le débarquement des forces britanniques. Le « Cadet
Corps » est au premier rang, devant toutes les autres unités de la
garnison. B-P était devenu une sorte de héros national dans tout
l'Empire britannique. Nulle part il était plus populaire que parmi les
jeunes gens qui étaient surexcités par l'exemple des « cadets de
Mafeking ». Il devient le plus jeune major-général de l'armée.
B-P
continue sa carrière militaire; il doit former alors la police
Sud-Africaine. Il reprend encore une fois le système des patrouilles.
Il choisit un uniforme pratique : le chapeau à large bords, la chemise
beige, le foulard et la culotte courte. Il y applique la
décentralisation de la responsabilité. Il se sert d'hommes jeunes,
intelligents, capables d'initiative, non des anciens dont on avait fait
des machines sans âmes et incapables d'agir sans ordres directs. Il
invente un uniforme qui restera célèbre, trouve des chevaux forts au
lieu d'attendre de recevoir des chevaux réduits à l'état de squelette
après leurs longs voyages. Une fois la guerre terminée, la nouvelle
responsabilité de sa police fut de pacifier le territoire : tact,
fermeté, justice, compréhension, charité et soins, tels furent les
moyens pris par les hommes de B-P pour cette mission de paix.
En
1903, B-P est nommé inspecteur général de la cavalerie pour
l'Angleterre et l'Irlande. Il s'applique à transformer cette armée en y
adoptant ses méthodes qui avaient déjà fait leurs preuves. À la fin de
cette fonction, B-P est proche de la retraite militaire et se consacre
de plus en plus aux Boys-Scouts.
Remuer cette jeunesse et l'amener à s'accomplir,
tel était l'objectif recherché par la création du scoutisme
Après Mafeking, beaucoup de garçons écrivirent à Baden-Powell en lui demandant des conseils. B-P constate que son livre (Aids to scouting)
passionne les jeunes garçons, alors qu'il n'a pas été écrit pour eux.
La Boys Brigade de Sir William Smith et les Boys Clubs s'en servaient
pour enseigner aux jeunes l'observation et la vie dans les bois. Il se
dit que cette formation des éclaireurs de l'armée pourrait être essayée
pour les garçons, mais dans un autre sens. B-P se met à l'oeuvre pour
transformer ce qui était un art d'apprendre aux hommes à faire la
guerre en un art d'apprendre aux garçons à faire la paix. B-P aida au
développement des Boys Brigades en ajoutant quelques pratiques
d'éclaireur au programme un peu terne de ces brigades.
Et puis,
c'est l'expérience concrète qui conclura si le scoutisme peut exister.
Un camp s'organise sur l'île de Brownsea (près de l'île de Wight) près
de Poole, dans le Dorset, dans le sud de l'Angleterre. Cette île avait
la réputation d'avoir été un refuge de contrebandiers et de pirates;
B-P y allait en étant jeune avec ses frères pour y chercher des
trésors. Vingt-quatre campeurs de toutes les couches de la société se
rangèrent sous les emblèmes de quatre patrouilles : courlis, corbeau,
loup et taureau. Ces patrouilles étaient organisées autour de B-P et de
quelques compagnons de la première heure; un de ses frères, Donald, et
un de ses officiers, le Major MacLaren.
Pendant ce camp, il met
en pratique tout ce qu'il a appris dans les bois et dans l'armée par
des histoires et des jeux. De 6h30 à 21h30, les garçons découvrent
l'éthique et la pratique du scoutisme. Chaque jour a un thème : vivre
en campagne, observation et pistage, connaissance des bois, secourisme,
patriotisme, études anthropologiques et ethnologiques, orientation...
St-George fait son entrée sous la rubrique « chevalerie » : le code de
conduite préconise le dévouement, le courage, la charité et
l'obligation à un acte de bonté quotidien, la B.A.
Peu après le vif succès de ce camp, le compte rendu du camp de Brownsea est publié dans Scouting for Boys (Éclaireurs)
en six livraisons bimensuelles réunies en volume chez Pearson, une des
plus grande maison d'édition en Angleterre. Chaque chapitre coûtait
quatre pences. Cela contenait principalement des récits d'aventure, des
histoires, des thèmes de jeu et des schémas de réalisation de toutes
sortes, sans qu'on puisse parler d'un ordre méthodique. L'ouvrage
n'était pas encore complètement paru que déjà Robert Young à Glasgow,
le colonel Vaux à Sunderland, le Capitaine C. Pearce à Hamptonstead et
M. Hemingway à Nottingham avaient fondé des groupes et se disputaient
l'honneur d'avoir fondé la première unité régulière.
Au début,
l'Organisation comprenait de simples troupes d'éclaireurs, (32 garçons
maximum), subdivisées en patrouilles de huit. Plus tard, pour des
raisons psychologiques, ils furent classés en trois degrés :
L'uniforme
ressembla beaucoup à celui de la police sud africaine. Il s'agissait
pour B-P de s'habiller en hommes des bois et de symboliser la
fraternité, « car une fois adopté universellement, il supprime toutes
les barrières de classe et de frontière ». Quant à l'insigne du
Mouvement, il choisit la fleur de lys comme symbole de la pureté et de
la paix. Mais la signification réelle de l'emblème est qu'elle montre
la bonne direction (elle indique le Nord sur les cartes) sans tourner à
droite ni à gauche, ce qui serait revenir en arrière.
En 1909,
B-P lança une invitation à tous les éclaireurs de se rassembler un
certain jour au palais de Crystal : il en vint 10 000. Baden-Powell
décrit alors le mouvement avant la guerre (la première Guerre Mondiale
- 1914 à 1918) comme « composé de jeunes gens d'un excellent esprit qui
désiraient ardemment mettre leur force au service de leur patrie ».
En
1919 fut mis sur pied la branche des routiers. B-P écrit pour eux « La
route du succès » afin de les mettre en garde contre les écueils qu'ils
rencontreraient probablement dans leur vie.
La même année, il
lance le camp de formation des chefs de Gilwell (don du parc au
scoutisme par M. MacLaren). Là, de nombreux pays ont envoyé des
représentants pour recevoir l'enseignement de la méthode scoute, afin
de devenir les organisateurs du mouvement scout chez eux. « C'est en
grande partie à cette école et à son programme que nos méthodes doivent
d'avoir été si parfaitement comprises, non seulement dans tout le
Royaume-Uni, mais encore dans le monde entier ».
En 1920, la plupart des pays du monde civilisé
avaient adopté le scoutisme. B-P se rendra même aux Indes pour y
établir le mouvement. De cette internationalisation du scoutisme naît
l'idée des Jamborees - rassemblements internationaux tous les 4 ans (le
terme vient du mot qui veut dire « ralliement » en zoulou)
Le premier eut lieu à Londres en 1920, puis à Copenhague; celui de 1929 à Birkenhead (près de Liverpool) fut celui du 20e anniversaire
et réunit 50 000 scouts. Ensuite il y eut ceux de Godollo (Hongrie),
Vogelenzang (Pays-Bas). Puis en 1947 celui de Moisson en France et en
1951 à Bad Ischl en Autriche.
En 1933, le mouvement comptait environ 2 160 000 de scouts répartis dans 45 pays. Le guidisme s'était développé parallèlement.
Pour se
consacrer entièrement à son Mouvement, B-P dut démissionner de l'armée
(1910). Ce fut une décision très dure à prendre pour lui. Il était fier
de son métier; ce fut un grand sacrifice que de quitter l'armée, ses
joies et ses travaux. Mais d'un autre côté, il pouvait ainsi échapper
aux préparatifs de cette Grande Guerre qui se défilait à l'horizon (1ère Guerre Mondiale). Le roi Édouard VII fut très intéressé par le mouvement scout et influença aussi la décision de B-P.
Lorsque
le Mouvement fut lancé, B-P avait près de 50 ans et tout le monde
pensait qu'il ferait un célibataire endurci. Mais sur un bateau qui le
menait aux Antilles, il reconnu la même démarche qu'il avait observée
deux ans plus tôt dans la caserne de Knightsbride : c'était celle
« d'une jeune femme qui révélait en elle un esprit sérieux et droit,
beaucoup de bon sens et en même temps le goût de l'aventure ». C'était
Miss Olave Saint-Clair Soames. Ils se marièrent le 30 octobre 1912. Il
allait aussi connaître la joie supplémentaire de la vie de famille.
Le
5 juillet 1913 naît Peter (nom choisi d'après Peter Pan, le personnage
favori du couple). Il épousera « Karine » née, elle aussi, le 30
octobre et ils auront 3 enfants (1 fille, 2 garçons). Peter est décédé
en 1962.
En 1914, la mère de B-P décède.
En 1915 naît le deuxième fils de B-P; Heather. Il aura 2 garçons dont l'un qui sera né le 22 février.
Et
finalement, le 16 avril 1917, naît Betty. Elle rencontrera son mari sur
un paquebot qui lui aussi est né un 16 avril. Ils auront 4 enfants : 3
garçons et une fille.
Miss Lady Baden-Powell devint très vite
une collaboratrice éminente dans son travail scout et guide, et le
succès du Mouvement doit beaucoup à son initiative et à son inspiration.
En 1938, B-P se retire au Kenya. Sa maison se nomme Paxtu,
ce qui veut dire « La paix seulement ». En 1939, B-P est en nomination
pour le prix Nobel de la paix. Malheureusement, le prix ne fut pas
décerné en raison du début de la 2e Guerre Mondiale. Le
fondateur meurt le 8 janvier 1941. Sur sa pierre tombale, on retrouve
le signe « fin de piste », ce qui signifie « retourné à la maison » et
les emblèmes scouts et guides.
B-P est mort au pied du Kilimandjaro, chargé d'honneurs et d'années, mais son oeuvre continuera à forger des liens d'amitié entre tous les garçons et les filles du monde. Parmi les millions d'hommes et de femmes qui s'étaient tournés vers lui, sa mort causa une grande douleur, mais l'espoir fut conservé que son oeuvre si solidement bâti résistera aux tempêtes de beaucoup de générations.
«
Si, par hasard, vous avez assisté à la représentation de Peter Pan,
vous vous souviendrez que le chef des pirates était toujours en train
de préparer son dernier discours, car il craignait fort que l'heure de
sa mort venue, il n'eut plus le temps de le prononcer. C'est à peu près
la situation dans laquelle je me trouve, et bien que je ne sois pas sur
le point de mourir, je sais que cela m'arrivera un de ces prochains
jours et je désire vous envoyer un mot d'adieu.
Rappelez-vous que c'est le dernier message que vous recevrez de moi, aussi méditez-le.
J'ai
eu une vie très heureuse et je voudrais qu'on puisse en dire autant de
chacun de vous. Je crois que Dieu nous a placé dans ce monde pour y
être heureux et pour y jouir de la vie. Ce n'est ni la richesse, ni le
succès, ni la satisfaction égoïste de nos appétits qui créent le
bonheur. Vous y arriverez tout d'abord en faisant de vous, dès
l'enfance, des êtres sains et forts qui pourront plus tard se rendre
utiles et jouir ainsi de la vie lorsqu'ils seront des hommes.
L'étude
de la nature vous apprendra que Dieu a créé des choses belles et
merveilleuses afin que vous en jouissiez. Contentez-vous de ce que vous
avez et faites-en le meilleur usage possible. Regardez le beau côté des
choses plutôt que le côté sombre.
Mais le
véritable chemin du bonheur est de donner celui-ci aux autres. Essayez
de quitter la terre en la laissant un peu meilleure que vous ne l'avez
trouvée et quand l'heure de la mort approchera, vous pourrez mourir
heureux en pensant que vous n'avez pas perdu votre temps et que vous
avez fait de votre mieux.
Soyez
toujours prêts à vivre heureux et à mourir heureux. Soyez toujours
fidèles à votre promesse d'éclaireur même quand vous aurez cessé d'être
un enfant - et que Dieu vous aide à y parvenir!
Votre ami,
BADEN-POWELL »